BIM

BIM, levier de transformation digitale du Bâtiment : stop ou encore ?

Bien que les grands principes et la technologie attachée au BIM (Building Information Modeling) datent déjà d’une vingtaine d’années, l’industrie du Bâtiment commence à peine à réaliser les bénéfices potentiels qu’elle peut en retirer. Et la révolution qui ne va pas manquer de la toucher, si elle s’engage plus encore vers une véritable gestion collaborative du cycle de vie du bâtiment.

Car le BIM n’en est réellement qu’à ses débuts et le partage de la maquette numérique au sein d’une communauté d’acteurs devient déjà un enjeu clé pour son avenir. En outre, les directives sont claires dans de nombreux pays: au Royaume-Unis, l’utilisation du BIM devient obligatoire pour tous les projets de bâtiments publics à partir de 2016 ; une directive au niveau européen a été récemment publiée, et dans le monde certains pays comme la Norvège ou les Pays-Bas ont déjà pris de l’avance en la matière.

Le BIM, une progression encore lente, malgré de réels enjeux

Le BIM a commencé à réellement prendre corps il y a une vingtaine d’années. Il s’agissait avant tout de répondre à un problème récurrent dans cette industrie : comment échanger efficacement des fichiers de données générés par des systèmes informatiques différents. L’éternel problème de l’interopérabilité des logiciels… Un standard d’échange existe aujourd’hui, IFC (Industry Foundation Classes, reconnu internationalement comme ISO 16739), supporté par tous les logiciels du marché.

Les déclarations autour du BIM se sont succédé ces dernières années. Certes, parfois plus marketing que réelles, mais il s’agit de reconnaitre aussi de véritables avancées qui ont vu le développement d’une plus grande digitalisation de la conception jusqu’à l’exploitation. Le bâtiment virtuel en constitue le cœur, et permet à toutes les fonctions contribuant au projet de travailler « en contexte » autour d’une représentation numérique de l’ouvrage final.

Les avancées notables se sont traduites par exemple par un rapprochement des différents acteurs, notamment entre architectes, ingénieurs, entrepreneurs, économistes et fournisseurs ; par une meilleure prise en compte au plus tôt des contraintes de conception, notamment règlementaires ; et au final par une réduction des coûts liés aux défauts de l’interopérabilité des logiciels (erreurs et multiples ressaisies des données), que la FFB – Fédération Française du Bâtiment – estime à 4% du chiffre d’affaires du secteur (étude de 2009).

Le BIM, véritable transformation digitale, représente une révolution pour une industrie dont les gains de productivité ces dernières décennies ont été parmi les plus faibles, tous secteurs industriels confondus.

Pour autant, un constant s’impose : à l’heure des bouleversements accélérés tirés par le numérique, le BIM progresse très lentement… Notamment en France, malgré des initiatives qui tendent à se multiplier ces derniers temps.

Pourquoi ce constat ?

Pourquoi tant de lenteur, alors qu’il s'agit très certainement du dernier secteur industriel à se lancer dans ce type d’approche. Bien longtemps après la construction aéronautique, la construction navale, la construction automobile… autant de secteurs qui ont très largement adopté la maquette numérique et tous les processus de travail qui l’accompagnent.

 

La réponse se trouve en partie dans le concept fondateur du BIM. Son péché originel : aborder la question par une problématique très opérationnelle, purement informatique, l’échange de données via un format pivot. Pragmatisme compréhensible, mais réel frein aujourd’hui ! On ne transforme pas une filière sur la seule idée que le format de fichier sera commun, que le salut viendra d’une seule solution informatique. Pour que chacun puisse y trouver son intérêt, il faut passer d’une logique d’échange à une véritable approche de la collaboration.

Et non, ce n’est pas une simple question de sémantique, car là où l’échange se limite à faciliter la bonne compréhension de données partagées sur le bâtiment (le ‘Quoi’), la collaboration introduit une notion de dynamique, d’activités tout au long du cycle de vie du projet (le ‘Comment’).

Et cette dynamique, c’est l’objet même de ce que l’on appelle le PLM (Product Lifecycle Management) ou, devrait-on dire ici, le Building Lifecycle Management.

La maquette numérique partagée est un formidable levier de performance mais elle impose à chacun de repenser la collaboration et d’en définir les règles pour tous les acteurs du cycle de vie, notamment :

–          Quelles données sont à fournir à quel acteur, à quel moment du processus, pour quelle finalité,

–          Sous quelle forme, et avec quel niveau de maturité,

–          Selon quelles contraintes contractuelles, avec quelles règles de protection (notamment Propriété Intellectuelle),

–          Qui joue quel rôle dans le processus de validation des données, quelles compétences clés sont requises, etc.

Ces questions, entre autres, se situent au cœur de deux processus clés : la gestion des modifications et la gestion des exigences, deux piliers essentiels du PLM. Dans les industries en pointe en matière de PLM, comme l’aéronautique ou l’automobile, ces processus à forts enjeux font l’objet d’un retour d’expérience significatif, de bonnes pratiques et même de normes. Pour franchir une nouvelle étape, l’industrie du Bâtiment aura tout intérêt à s’inspirer de ce qui a été fait dans ces autres industries, à tirer les leçons de ces expériences.

Ainsi, le BIM doit être bien plus qu’un « simple » projet informatique, il s’agit d’une démarche de transformation de la filière du Bâtiment, tant au niveau métier qu’au niveau Système d’Information. Pour répondre aux véritables enjeux de la filière, cette transformation devra s’appuyer sur les concepts du PLM et impliquera un changement culturel fort, une mutation des métiers vers le numérique allant même jusqu’à la création de nouvelles fonctions. Le BIM n’est ainsi que la première étape d’un parcours, ardu, mais inéluctable et passionnant !

Philippe Herrerias

Directeur Associé Vinci Consulting

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