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Climat : le poids des entreprises

Alors que Paris accueille début décembre la conférence internationale sur les changements climatiques COP 21, les entreprises se mobilisent pour diminuer l’impact sur le climat de leurs actions et notamment dans leur démarche de conception de produits manufacturés.

 

Les scientifiques du GIEC qui doivent se réunir début décembre 2015 à Paris à l’occasion de la 21ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21°), sont catégoriques. Il devient de plus en plus urgent d'agir pour tenir l'engagement pris par les Etats de limiter à 2°C le réchauffement annoncé de la planète à l'horizon 2050. En effet, les émissions d'origine humaine des GES (gaz à effet de serre) augmentent inexorablement au niveau mondial, comme le confirme le 5ème rapport du PCRD : « Les années 1983 à 2012 constituent probablement la période de trente années la plus chaude dans l’hémisphère Nord depuis 1400 ans. »

Le plus médiatique GES d'origine anthropique est le gaz carboniquequi représente un cinquième de la contribution totale au réchauffement. Néanmoins, il faut aussi prendre en compte les émissions d'ozone de la troposphère, de protoxyde d'azote, de méthane, ainsi que de différents gaz présents en très petites quantités comme les CFC (hydrocarbures fluorés), par ailleurs responsables de la destruction de la couche d'ozone. Ces derniers ont un pouvoir de réchauffement mille fois supérieur à celui du CO2. Pour mesurer l'impact climatique d’un produit manufacturé, il faut convertir les émissions de ces cinq principaux GES en unités d'équivalent dioxyde de carbone (CO2 e) ou Potentiel de Réchauffement Global (PRG).

 

Du RSE au bilan carbone produit

Pour rappel, en janvier 2008, l’Union européenne a confirmé l’objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effets de serre à l’horizon 2020. Ces objectifs ont été repris par le gouvernement français dans le cadre du Plan Climat, avec une répartition sectorielle. Certains projets vertueux (production d'énergie renouvelable, reforestation, mise aux normes d'industries polluantes, etc.) sont en outre valorisables sur le marché du carbone dans le cadre des mécanismes de compensation carbone. Un mécanisme moins attractif depuis la chute du cours de la tonne de carbone passée de 30 euros mi 2008 à moins de 5 euros en 2013 !

Néanmoins, les entreprises entendent signifier leur rôle-clé dans la transition énergétique et le passage à marche forcée vers une « société décarbonée ». Elles se sont ainsi réunies à Paris les 20 et 21 mai derniers dans le cadre du sommet « Business & Climate » pour se concerter avant COP21. Mais pour réussir cette révolution, il faut avant comptabiliser les nuisances actuelles. En effet, le Grenelle Environnement impose aux entreprises de plus de 500 salariés et aux établissements publics de plus de 250 salariés, la réalisation tous les trois ans d'un bilan carbone de leurs activités. Ce bilan publié dans le rapport RSE (Responsabilité Sociale de l'Entreprise) est réalisé sur une base volontariste et avec un scope étendu.

 

Une offre logicielle spécifique

Le calcul de l'empreinte carbone fait appel à des bases de données de facteurs d'émission (FE) matériaux et énergie, comme la Base Carbone de l'Ademe, ou Ecoinvent, ainsi qu'à des outils spécialisés. Pour le calcul réglementaire des organisations, l'ademe propose son logiciel gratuit « Bilan Carbone » disponible en ligne. Sa mise à jour et sa diffusion sont assurés par l'Association Bilan Carbone (ABC). Il existe aussi des solutions commerciales pour alimenter le rapport RSE comme Elicarbon (Eliadis), EcoDev (EcoAct), SoFi (Thinkstep) ou Toovalu.

Pour évaluer l'impact d'une éco-conception produit, c'est l'Analyse du Cycle de Vie (ACV) qui va permettre de faire un bilan environnemental complet, dont celui les émissions carbone. Les experts de l'ACV peuvent utiliser soit des logiciels sur étagères comme GaBI de Thinkstep, qui a mis en place une plateforme sur le cloud,  SimaPro (PRé Consultants), LCA Box (Eco-Act), Team (Ecobilan), Quantis Suite, SIEC (Cynapsys), EIME (Codde) ou des tableurs ou logiciels mathématiques comme Matlab ou Mathematica. Il existe aussi quelques outils gratuits comme OpenLCA développé par GreenDelta, un cabinet de consultants allemand, ou CMLCA de l'Université de Leiden.

Les grands éditeurs de logiciels de CAO et de PLM ont de leur côté développé des interfaces entre les différents modules environnementaux (ACV, éco-conception…) et la gestion de nomenclatures. Quant auxpetites entreprises de la mécanique qui souhaitent effectuer une analyse environnementale de leurs produits, le Cetim a élaboré une norme simple NF E 01-005, intégrée dans le logiciel Atep. Il s’agit d’une démarche ACV simplifiée sous forme d'un questionnaire qui ne demande que quelques heures d'investissement. Cette norme française a d’ailleurs été reprise au niveau européen en 2013 sous la référence CEN TS 16524.

Exemple d’application, le fabricant d’engrenages, de réducteurs et de crémaillères de précision Mijno a travaillé sur une version éco-conçue d'un produit existant, le MNT140 en optimisant chaque étape de sa vie avec l'aide de l'outil Atep du Cetim : réduction de la quantité de copeaux métalliques, fabrication simplifiée et plus rapide, réduction de la masse brute du produit, recyclabilité optimisée, etc.

 

Une analyse de chaque étape

Les calculs d'empreinte carbone se sont ainsi généralisés pour évaluer une organisation, un service ou un produit. Pour la conception d'un produit vert, l'Analyse du Cycle de Vie exige de détailler les différentes étapes de sa vie. La première démarche est de décrire très précisément les composants et les matériaux entrant dans sa fabrication, ainsi que ses emballages, notices… avec leur masse et leur taux de recyclage.

Dès cette étape, l'empreinte carbone peut être améliorée par différentes actions, comme une réduction de la masse, une substitution de matériau, le recours à des matériaux recyclés ou recyclables, voire à des bio-matériaux. Ainsi, Window Mannequins a éco-conçu en 2014 avec l'aide de la CCI des Alpes Maritimes des prototypes recyclables de mannequins pour les vitrines. Les traditionnelles fibres de verre et résine polyuréthane ont été remplacé par la résine de maïs et des fibres de sisal.  

Une autre étape est la fabrication des différents composants du produit (moulage, usinage, soudage, emboutissage, pliage…) et son assemblage. On privilégiera par exemple la découpe laser au poinçonnage, car la perte de matières est moindre. L'empreinte environnementale de la distribution est ensuite évaluée aussi bien pour les matières premières que pour le produit fini. Le lieu où les composants sont fabriqués est notamment un critère qui a été ajouté dans les logiciels gérant l’approche d’éco-conception comme SolidWorks.

Par ailleurs, il faut tenir compte de l'analyse du fonctionnement du produit, par une comptabilité de l'énergie utilisée, des consommables et de la maintenance. Ce poste prend d'autant plus d'importance que la durée de vie du produit est longue. Enfin, la valorisation du produit usagé dans un circuit de fin de vie spécifique doit être envisagée dès sa conception, entre autre par une réduction du nombre de pièces et du spectre de matériaux différents qui sont assemblés. Éviter le sertissage, par exemple, facilite la séparation des matériaux lors du recyclage. En conservant en tête que le bilan carbone est un des critères mais pas le seul d'une éco-conception réussie.

 

Normes et méthodologies

 

La gestion environnementale est encadrée par les normes ISO 14000, la démarche ACV est plus spécifiquement gérée par les normes ISO 14040:2006 et 14044:2006 et l'empreinte carbone par l'ISO 14067:2013. La méthodologie à suivre est détaillée par des protocoles comme la norme anglaise PAS 2050 ou le Greenhouse Gas Protocol. Ce dernier est utilisé à la fois pour le reporting sociétal, avec le « Corporate Value Chain Scope 3 » et pour calculer l'empreinte carbone d'un produit ou service, avec le « Product Life Cycle Accounting and Reporting Standard ».

Une autre méthodologie très populaire est le CML. Développé à l’Université de Leiden aux Pays-Bas, cet indicateur multi-critères (réchauffement climatique, éco-toxicité…) est renommé pour l'analyse de l’impact environnemental. Dans la version CML 2001 exploitée dans SolidWorks Sustainability notamment, les résultats se présentent sous la forme d'un tableur rassemblant les facteurs de caractérisation pour plus de 1700 flux.

Côté certification, l'association ABC met en place « un système de management des GES, baptisé SM-GES, qui est en phase de test chez une trentaine d'entreprises. L'enjeu est de structurer un plan d'actions et de maîtrise de la réduction des émissions de GES, avec l'idée de faire certifier ce système de management en 2016 », détaille Marc Potel, trésorier de l'association ABC et par ailleurs responsable RSE et Développement Durable à la Caisse d'Epargne Bretagne Pays de la Loire.

 

Le pôle Eco-Conception au service des petites entreprises

 

Installé à St-Etienne, le Pôle Eco-conception s'est donné comme objectif d'aider les PME-PMI dans leur démarche d'éco-conception.  « La première expérience en éco-conception d'une entreprise est décisive, il faut qu'elle se traduise en réussite afin de capitaliser sur cette expérience pour les projets suivants. Car l'entreprise confrontée à un résultat commercial en deçà de ses espérances risque d'abandonner l'écoconception pour plusieurs années », confie Loïs Moreira, ingénieur éco-conception au Pôle. L’organisme propose ainsi plusieurs outils, depuis la simple matrice d'évaluation écologique, utile en première approche, jusqu’au qui logiciel d'ACV complet.

Le Pôle organise également des formations sur la solution Bilan Produit de l'Ademe, qui met en œuvre une approche simplifiée de l'ACV. Par ailleurs, il édite des guides d'éco-conception, des guides de recommandations pour améliorer le produit en phase de conception, avec des check-lists spécifiques à un secteur. « L'entreprise doit aussi réfléchir au positionnement du produit éco-conçu sur le marché. Si l'accent est mis sur une fabrication plus rapide, moins coûteuse, nécessitant moins d'énergie et de matières premières, l'acheteur voudra payer le produit moins cher, ce qui n'est pas forcément l'intérêt du fabricant qui a investi en études. Il peut s'avérer plus avantageux de communiquer sur le gain à l'usage d'un produit moins énergivore, avec un stockage moins coûteux », souligne Loïs Moreira.

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