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Compte-rendu Colloque Nafems : Évaluer la fatigue des composites

Le dernier séminaire de l'association Nafems consacré à la simulation numérique des composites, a souligné la nécessité d'anticiper sur leur endommagement.

 

Un des groupes de travail des adhérents de Nafems, l'association internationale de la communauté de l'Analyse Numérique, est consacré aux composites. La branche française de l'association organise régulièrement des journées thématiques de conférences de haut niveau dont l'accès est gratuit pour les membres. La dernière journée qui portait sur la simulation numérique des matériaux et structures en composites, s'est tenue le 30 novembre dernier à Noisy-le-Grand. Les acteurs de l'automobile et de l'aéronautique étaient venus nombreux, « alors que le secteur de l'énergie est peu représenté dans la branche française de l'association par rapport au reste du monde, », a regretté François Costes de Nafems.

 

Il est revenu à Michel Mahé, responsable du département simulation numérique chez Airbus, de présenter à l'auditoire les défis posés par les composites et de tracer les principaux axes de recherche. L'approche semi-empirique couple nécessairement l'analyse avec les essais. Le modèle numérique permet de débroussailler rapidement les concepts avant de réaliser les essais, mais aussi de définir le bâti nécessaire aux tests, un processus très contrôlé qui est indispensable pour la certification. Une des difficultés rencontrés vient du comportement multi-échelle de ces nouveaux matériaux. Aussi les modèles doivent être élaborés par niveaux, en partant des matériaux, des pièces, des sous-composants et en allant jusqu'aux tronçons de plusieurs mètres avec raidisseurs, avec des modèles pouvant comporter plusieurs millions de degrés de liberté. « La justification prioritaire dans l'utilisation des composites ne réside pas forcément dans la réduction de la masse. Un enjeu important est aussi de gagner en maintenance grâce à une moindre corrosion, mais pour cela, il faut valider la résistance des composites aux impacts et évaluer leur fatigue. », assure Michel Mahé.

 

Tenir compte des propriétés spécifiques

Les matériaux et structures composites demandent de définir de nouvelles méthodes d'analyse, de simulation et d'essais et d'évaluer leur pertinence. Philippe Martiny, responsable équipe structures composites et process chez Cenearo, a détaillé leurs projets en cours. Le centre de recherche s'intéresse à la déformation en sortie de cuisson des pièces composites thermodurcissables à renfort continu, qui peuvent être assemblées pour former des pièces de grande dimension. La simulation demande un modèle de la géométrie du moule ainsi que de l'orientation des fibres, ce qui peut être obtenu par un modèle explicite ou par une simulation de drapage. Mais le plus critique demeure l'obtention des propriétés d'un matériau complexe composé de résine et de fibres. « Les logiciels d'analyse demandent de déterminer une quarantaine de paramètres environ comme le point de gel ou la température de transition vitreuse, estime Philippe Martiny, nous avons donc recherché quel était le paramètre prépondérant. Nous avons déterminé que c'était le coefficient de dilatation thermique perpendiculaire aux plis, qui doit en conséquence être mesuré de manière particulièrement précise. »

 

Chez Rhodia du groupe Solvay, qui produit les intermédiaires et polymères de la chaîne polyamide 6.6, « l'enjeu de la simulation est double, explique Jérôme Bikard, expert en modélisation numérique. Il s'agit à la fois de vendre les propriétés de notre matériau aux clients et de savoir le fabriquer de manière homogène. » Pour cela ils ont développé un outil interne de design nommé MMI Confident Design qui est proposé à leurs clients et capable de faire de la simulation multi-échelles avec une évaluation des impacts, essentiellement sur des pièces fabriquées par injection. « Comme les codes classiques de calculs utilisent la physique des matériaux métalliques, fait remarquer Jérome Bikard, nous préférons utiliser Digimat pour prédire l'énergie absorbée après crash. » L'étude d'un carter en polyamide est exemplaire de la démarche employée. D'un côté la simulation classique prédit que la pièce va casser ce qui conduit à éliminer cette conception alors qu'une simulation analogue avec MMI montre qu'elle ne casse pas. Cette optimisation plus fine permet aux clients de Rhodia de gagner en poids et en performance sur leurs produits. Parmi leurs actuelles pistes de recherche, l'amélioration de la simulation de l'orientation des fibres, et la prédiction de certains essais à partir de ceux effectués car il faut actuellement beaucoup d'essais pour obtenir les propriétés des matériaux.

 

Endommagement et fatigue

Pour Michel Mahé, l'évaluation de la fatigue est indispensable pour étudier la nouvelle génération de matériaux composites. Le sujet est donc à l'ordre du jour des travaux des laboratoires de recherche. Une des spécialités de l'Ecole Centrale de Nantes porte sur la simulation du comportement de voiliers de compétition quasi entièrement fabriqués en composites à base de fibres longues de carbone. Leur analyse demande de la multi-physique avec de l'hydrodynamique et de l'analyse des impacts. Ils étudient en particulier la mécanique de l'endommagement avec délaminage et poussent leurs modèles jusqu'à la simulation de la fatigue. Pour le LMA, le Laboratoire de Mécanique et d'Acoustique qui travaille avec Eurocopter, c'est Jean-Paul Charles, enseignant qui a détaillé la difficulté de simuler la fatigue et la rupture statique des pales d'hélicoptères en composites. Un des enjeux est d'identifier correctement les paramètres des modèles, en traction, en cisaillement, dans un domaine de comportement allant jusqu'à la rupture. Le laboratoire a procédé à des essais avec différents logiciels, avec Samcef en simulation non linéaire et avec Abaqus en comparaison à des tests validés dans Aramis et limités à la zone où les mesures ont été faites. Le chercheur a souligné un résultat étonnant, une éprouvette trouée résiste à 90 000 cycles contre 400 pour une non trouée. Une partie de l'explication réside dans le fait que le composite présente des similarités de comportement avec le métal ductile. « Mais la fatigue va prendre du temps à être implémentée dans les codes de calculs, car les algorithmes sont difficiles à optimiser. Il faudra aussi améliorer les méthodes d'observation par exemple par tomographie. », confie Jean-Paul Charles.

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