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L’échange de fichiers 3D

Le plan d’ensemble ou dessin de définition a longtemps été considéré comme le moyen de communication privilégié du technicien. Savoir lire un plan fut longtemps « la » compétence incontournable. Dans un monde où la dématérialisation de l’information avance chaque jour, le plan est devenu PDF. Mais peut-être est-ce plus profond, peut-être la 3D rend-elle définitivement obsolète la 2D ?

 

La 2D

Initialement, le dessin technique répondait à un besoin de communication. La projection en vues isométriques ayant l’avantage de permettre une description univoque des volumes géométriques, elle fut la base de toute transcription papier. Les premières versions d’AutoCad n’avaient d’ailleurs d’autres objectifs que l’aide à ce dessin 2D et sa flexibilisation : la DAO.

Si la dernière version d’Autocad, comme la dernière version de Catia, propose un module Drawing, ce n’est qu’un module optionnel, essentiellement destiné à garder le lien avec le passé, une option qui retranscrit du 3D en 2D, mais pas un outil de conception (CAO).

Enfin, ne confondons pas une vue 2D, qui est une particularité de la 3D et toujours nécessaire comme aide à la compréhension et à la construction, et le plan 2D sur papier en vue isométriques dont nous parlons ici.

 

Le futur : 3D ou rien

Pour bien évaluer l’impact de la modélisation 3D sur l’environnement technico-économique, il convient d’élargir notre vision mécanicienne des choses. En effet, il n’y a pas que la mécanique du solide dans le monde de la 3D, même si celle-ci, à travers l’aviation et l’automobile, a une place de choix. Il y a bien sûr le BTP avec ses vues en élévation, mais aussi l’industrie du flaconnage, de la bijouterie, du jouet, les carters et tableaux de bord… Notons de suite que, pour ces derniers domaines comme pour l’injection plastique ou les ouvrages chaudronnés, le maître mot est la « peau 3D » comme en surfacique et non le volume. Et puis il y a aussi le monde des médias, essentiellement la publicité et le cinéma. Avec le célèbre Avatar, l’industrie du cinéma a définitivement basculé dans le 3D comme solution pertinente.

En dehors d’AutoDesk (image 1) qui couvre tous les domaines de la 3D, chaque secteur a une dizaine de logiciels à sa disposition. Il y a fort à parier que d’ici quelques années l’offre se sera écrémée, mais pour l’instant elle est impressionnante et comporte aussi des produits gratuits ou peu onéreux de qualité.

Le monde de la 3D est donc présent à travers quasiment tous les objets de la vie. Alors, quid du dessin de définition 2D ? Un lien avec le passé, c’est sûr, mais pour le futur ?

 

Le processus d’import-export

Regardons maintenant les us et coutumes de la profession et sa tendance. Pratiquement tous les sous-traitants de l’automobile ou de l’aéronautique sont passés, bon gré mal gré, au modeleur 3D. Les étudiants qui sortent de nos cursus sont tous capables de créer une pièce avec un modeleur, alors que la plupart confondent les vues 2D ou du moins interprètent mal les hachures, les pointillés et les correspondances de vues. Même chez les tout petits sous-traitants, la pièce ou le petit ensemble sont conçus en 3D (SolidWorks, Solid Edge ou SketchUp, etc.).

 

Alors, pourquoi repasser en 2D ?

Pour vérifier les interférences ? Oui, si vous êtes en conception et expert en lecture 2D, sinon… non. Seule la pré-connaissance des problèmes permet de « faire la bonne coupe pour voir correctement ». De toute façon, même dans ce cas, le plan papier Drawing en vues isométriques est inutile. Tous les modeleurs et visualisateurs proposent une « coupe à la volée », qui permet d’avoir une section particulière en 2D.

 

Pour coter ? Ah ! la cotation, toute une histoire ! Entre la cotation fonctionnelle et celle de production, un monde d’incompréhension que le service contrôle aura toujours du mal à résorber. Globalement, les dimensions nominales ou moyennes sont « dans le 3D », il suffit de les mesurer avec n’importe quel outil de CAO ou viewer 3D. Quant aux tolérances, il convient bien sûr de les spécifier, surtout si elles sont fonctionnelles, sinon une tolérance générale type « js13 » fait bien souvent l’affaire avec les nouveaux moyens de production à commande numérique. Donc si l’on prend l’habitude de concevoir aux cotes moyennes en 3D, il ne restera que les spécifications géométriques fonctionnelles à annoter en 3D directement ; le plan 2D en projection devient alors inutile.

Pour faxer une demande de devis ? Le mail est maintenant une réalité juridique et technique dans pratiquement toutes les zones du monde. Mettre en pièce jointe un export au format léger non propriétaire (Step et STL) est simple et permet un import facile dans le système de devis ou de FAO.

Pour communiquer ? Le fax, limité aux A4, est depuis longtemps un handicap à la communication technique, aux revues de projet et autres expertises. L’envoi de la « liasse » au format A2, A1 voire A0 est souvent nécessaire, mais lourd à gérer notamment au niveau des releases (gestion de la dernière version). Il existe maintenant de nombreuses plates-formes qui savent tout lire et permettent une revue de projet délocalisée via un simple navigateur Web et même sur une tablette. Il y a bien sûr la plate-forme Windchill de PTC, 3Dvia de Dassault Systèmes, mais surtout des plates-formes non orientées vers un logiciel spécifique, comme TFTLabs (image 2) par exemple.

Pour garder le savoir-faire secret ? Là encore, un export Step évite le masquage des cartouches, et cache l’arbre de construction et tous ses secrets. Catia, par exemple, propose de convertir tout un ensemble en une seule pièce, ainsi, le savoir-faire « assemblage et contraintes » des concepteurs n’est pas divulgué lors de l’export.

Quelle que soit la plate-forme de travail en CAO du concepteur, la fonction export Step et STL existe et est très rapide. Quel que soit l’outil CAO ou FAO, l’import Step ou STL existe. Comme le PDF est un format d’échange standard textuel et graphique, le format volumique Step ou le surfacique STL sont des formats 3D utilisables en natif – sans « dessin 2D » –, facilement joignables en pièce jointe à un mail et très facilement mesurables soit dans une CAO soit dans un visualisateur.

 

La chaîne numérique

Dans le cadre d’une communication technique sur l’ensemble d’une chaîne numérique, d’autres problèmes sont à soulever. Tout d’abord, le donneur d’ordres n’est pas forcément un mécanicien, ce peut être un styliste, un publiciste, un commercial, et, dans ce cas, il aura conçu son modèle en surface tessellée, c’est-à-dire avec une géométrie approximée par des facettes, de petits triangles, un peu comme pour le calcul par éléments finis. STL est un de ces formats approximatifs qui donne au mieux une précision du dixième de millimètre, mais surtout qui ne sait pas ce qu’est un cylindre ou un tore, un plan à la limite. Il existe des formats plus précis que le STL comme l’OBJ de Wavefront ou même le nouveau format libre DAE, mais dans tous les cas on a une peau creuse qui ne contient pas de spécifications volumiques (plans, cercles, cylindres…) utilisables.

Autre particularité des formats utilisés en dehors de la mécanique, ils permettent de définir des textures, des habillages. Ainsi un « .obj » ou « .dae » embarque-t-il le modèle et son habillage, ce qui est obligatoire pour le cinéma, la publicité, le maquettage…, partout où le rendu est un point clé.

Donc, à ce jour, la chaîne numérique est fortement perturbée si l’on doit passer d’un modèle mesh à un format « volume », d’où l’importance de toujours prévoir les deux formats en export (Step et STL, par exemple). Nikon Metrology travaille beaucoup sur cette problématique que l’on pourrait résumer en conversion STL vers Step. En effet, l’outil de demain pour la métrologie est le scanner 3D, et il restitue… une peau. Il faut donc interpréter le nuage de points, la peau, afin de pouvoir l’associer à une géométrie volumique.

En dehors d'Autodesk déjà cité, de nombreuses solutions logicielles essaient de se faire une place au soleil en ayant un pied dans chaque camp : peau et volume. Ainsi le modeleur Nurbs (non-uniform rational basis splines, « B-splines rationnelles non uniformes » en français, correspondant à une généralisation des B-splines) Rhino3d de CadLink permet-il d’avoir la précision nécessaire en mécanique et la souplesse des outils de conception « pâte à modeler » en design.

À l’autre bout de la chaîne numérique, on trouve de la fabrication et de la réalisation : la FAO. Comme souvent, sauf si l’on reste de A à Z dans le même PLM, la chaîne numérique sera rompue à cette étape. À ce jour, aucun format normalisé de processus FAO n’existe. Chacun fait donc la FAO à sa sauce, le principal étant que le programme obtenu permette la réalisation de pièce bonne sans casse de la machine. À ce jour, c’est toujours le code ISO (dit G-code : G1, G2, G3, S, F, M…) qui reste la plus sûre valeur, le code APTE n’ayant jamais percé pour des raisons essentiellement stratégiques. Le dernier maillon FAO sera souvent un simulateur de code ISO, et c’est NC-Simul de Spring qui se taille la plus belle part du marché (Spring vient même de passer un partenariat avec Microsoft pour l’interface de la nouvelle version). Le simulateur repart du code ISO et de l’environnement machine (défini en Step, STL, WRL…) et va simuler l’usinage en calculant toutes les interférences. Ici, pas de problème de format puisque, une fois l’environnement machine défini, un simple fichier texte ASCII transmis en pièce jointe suffit.

 

Conclusion

Une fois l’esprit 3D totalement intégré, il existe au moins un format qui convient bien en SII, c’est le Step (export « .stp ») : il est lisible et mesurable par tous les outils CAO et viewers. Pour la cotation, il conviendra de coter directement en 3D, toutefois, ces annotations n’étant pas intégrées dans le Step, un export WRL assurera la lisibilité totale.

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