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Le photo-réalisme boosté par le GPU

Avec les dernières générations de cartes graphiques, la visualisation avancée a franchi une nouvelle étape vers le photo-réalisme. À condition de bien préparer sa modélisation.

 

Les concepteurs des bureaux d'études, les scénographes ou les architectes, modélisent leurs surfaces en filaire ou en fausses couleurs. Occasionnellement à des fins de communication, ils sont amenés à produire une vue réaliste de leur conception, en l'habillant de matières et de textures et en l'éclairant. Aussi? les logiciels de CAO ou de design (Catia, ICEM Surf, Creo, Revit, SolidWorks…) intègrent des modules de visualisation avancée. Au fil des années, ces modules ont considérablement gagner en photo-réalisme, du fait de l'évolution accélérée des performances des cartes graphiques. L'utilisateur peut en tirer profit à condition de bien équiper sa station de travail. Seules certaines cartes professionnelles ATI ou nVidia Quadro intègrent des fonctions d'anticrénelage pleine scène (anti-aliasing dit FSAA) ou les capacités RealView. Elles permettent par exemple à l'intérieur de SolidWorks de bénéficier d'ombres douces, de réflexions, de l'ambient occlusion et de l'illumination globale, qui simule de manière réaliste les renvois de lumière entre surfaces d'une scène. Ces différentes avancées offrent une alternative à des algorithmes plus coûteux.

 

Le haut de gamme du photo-réalisme? comme la radiosité ou le ray-tracing, est disponible avec des moteurs de type Mental Ray, gourmands en temps calculs. La solution traditionnelle consiste à s'équiper en interne d'une petite ferme de processeurs (render farm). Autodesk a construit une offre spécifique de calculs sur le cloud, qui permet aux clients de faire face en souplesse à leurs besoins ponctuels. Le web apporte aussi de nouvelles possibilités en publication. L'export d'une scène interactive sur le web est facilité, en particulier avec la suite 3DVia de Dassault Systèmes dont la stratégie s'appuie sur la création d'un écosystème 3D sur le web. Mais on peut aussi citer iVisit 3D Panorama couplé à Artlantis, l'outil de rendu proposé par Abvent, qui permet de facilement mettre en ligne des visites 3D virtuelles, ou encore la version professionnelle de ShowCase d'Autodesk, qui intègre l'organisation de cessions de travail multi-utilisateurs sur le web autour d'une scène partagée.

 

Une large panoplie d'outils

La démocratisation du photo-réalisme ne dépend pas seulement de la puissance GPU disponible sur sa station ou de la multiplication des processeurs. Le logiciel de rendu doit offrir au sein d'une interface simple et intuitive un certain nombre de fonctionnalités, comme l'accès à des bibliothèques prédéfinies de textures et de matériaux, le réglage intuitif de shaders et de matériaux, et l'existence d'une série d'environnements prêts à l'emploi, avec un éclairage et un décor sommaire. Par ailleurs, en fonction du savoir faire de l'utilisateur et de ses besoins, images fixes, petites animations ou visite virtuelle temps réel, le logiciel de rendering choisi sera différent.

La facilité d'utilisation demeure le premier critère. Dans Solid Edge par exemple, le module de visualisation Virtual Studio+ propose une bibliothèque de matières qui peuvent être appliquées par simple glisser/déposer sur les différentes parties de la pièce en conception. Même approche en architecture pour Artlantis qui avait été conçu à l'origine pour mettre au point rapidement des images fixes. Directement interfacé avec les principaux logiciels du marché (ArchiCAD, AutoCAD, Revit, Google Sketch'Up, Arc+…), un glisser/déposer permet d'habiller de textures une scène calculée suivant un point de vue, et d'ajouter de nombreux objets et personnages, extraits de bibliothèques prêtes à l'emploi. Le rendu à base de radiosité peut être retravaillé dans une palette graphique type Photoshop. « Certes, en architecture, on pense en premier lieu à Artlantis, assure Philippe Ruveron, responsable imagerie chez Aiga, mais il existe aussi LumenRT édité par e-on, qui est aussi facile à régler avec ses deux menus, pour la matière et pour le réglage de la qualité du render. Il est possible de naviguer en temps réel dans la scène calculée avec ses ombres et ses réflexions, et de l'enrichir. Une autre possibilité sur étagère est le logiciel Lumion édité par Act-3D, moins accessible au premier abord. » Avec une bonne modélisation 3D importée dans un format standard, Lumion permet d'obtenir un rendu assez poussé. La scène calculée est aussi modifiable en temps réel, en ajoutant du terrain, des arbres, des ombres, etc, afin de rendre le résultat davantage réaliste.

 

Un lien direct avec la CAO

La fiabilité des échanges entre le modeleur CAO et le module de rendu, doit être testée avec soin avant toute décision d'achat. Un export au format 3D XML depuis Catia permet ainsi de récupérer dans 3DVia Studio Pro non seulement la géométrie, mais aussi l'arborescence des objets et leurs comportements comme l'ouverture des portes ou des coffres. Une associativité bien conçue permet de modifier son modèle dans le logiciel de CAO, puis d'exporter les modifications vers le rendu sans avoir à réaffecter l'ensemble des matières et à refaire le paramétrage.

Arnaud Guitton, ingénieur d'applications chez le distributeur WindCad, explique que dans ShowCase « l'associativité marche bien, même avec d'autres formats CAO que ceux d'Autodesk. Par exemple, lorsqu'un modèle est exporté au format STEP depuis un logiciel CAO comme Solid Edge, et qu'il est importé dans ShowCase, les modifications sont vérifiées. Le logiciel pose des questions pour valider ou non les affectations automatiques de paramétrage. » Néanmoins, le lien le plus direct se fait avec le monde Autodesk. Les matériaux, mais aussi les contraintes animées dans Inventor peuvent être exportées dans ShowCase afin de préparer des revues de projet. Effectuer en amont le travail d'animation dans Inventor comme une rotation sur un pivot a l'avantage de la précision, par exemple pour animer les mouvements d'un bulldozer.

 

L'essor des solutions temps réel

Des moteurs de rendu réputés comme Mental Ray, Maxwell (ray-tracing) ou Artlantis (radiosité) peuvent être lents en calculs. L'utilisateur peut préférer la facilité de réglage d'une scène calculée en temps réel. Les solutions de réalité virtuelle permettent de tourner autour d'un objet ou d'un véhicule avec une haute qualité de rendering, éventuellement en animant certaines de ses pièces. L'offre commerciale en moteurs de rendu temps réel et interactifs inclut 3DVia Studio (Dassault Systèmes), ShowCase (Autodesk), Patchwork 3D (Lumiscaphe), RTT DeltaGen et ceux venant du jeu vidéo comme Nova Studio (Vertice) et Unity3D. Le rendering temps réel est quasi exclusivement hardware. Des fonctions avancées d'éclairage et d'ombres douces servent à simuler un ray-tracing simplifié, comme le Screen Space Ambient Occlusion (SSAO) ou les ombres de type Stencil Shadows mises en oeuvre dans Nova. Certains de ces moteurs comme ShowCase, DeltaGen ou PatchWork 3D, proposent à la fois du rendu hardware sur GPU et du ray-tracing calculé sur CPU. Avec ShowCase par exemple, les concepteurs ou designers peuvent choisir leurs matériaux et leurs points de vue, avec un calibrage possible de l'affichage à l'échelle un sur un grand écran. Le logiciel est d'ailleurs apprécié en revue de projet ou en avant-vente, par exemple pour décliner différentes variantes de carrosserie. De nombreuses fonctions de la version professionnelle ont été progressivement intégrées dans la version de base. « Par rapport à ses concurrents, ShowCase est simple à utiliser pour animer des pièces et la scène peut être enrichie avec une bibliothèque de matériaux très complète à disposition. Un gros travail a été effectué pour rendre l'interface plus intuitive et optimiser le ray-tracing », met en avant Arnaud Guitton.

 

Pas si automatique

Certes, tout est fait pour simplifier le travail de l'utilisateur, avec un transfert automatique de la géométrie vers le rendu, des bibliothèque prêtes à l'emploi et des algorithmes « quasi » automatiques. Mais pour obtenir une belle image, il faut toujours du temps et du savoir-faire. Le premier prérequis est de bien préparer sa géométrie, en séparant en groupe de matières les pièces et parties de pièces, afin de pouvoir affecter correctement les matériaux (et les textures) en bibliothèque. Les textures doivent néanmoins souvent être ajustées, mises à l'échelle et adaptées à la forme de la pièce, surtout en cas de motifs. Certains détails de la géométrie, qui sont indispensables pour la conception, peuvent alourdir considérablement le calcul du rendu. Ils peuvent engendrer des artefacts, de type aliasing ou escaliers sur les frontières des pièces. La solution est de simplifier intelligemment la géométrie, en gardant les détails de surfaces ou les chanfreins nécessaires à l'obtention d'une image séduisante et représentative du design de la pièce. Enfin, différents paramètres doivent être finement réglés comme l'intensité de la lumière directe ou ambiante, la réflectivité, la surbrillance ou la densité des ombres, ou l'ajout de lumières ponctuelles. Si ces logiciels proposent des bibliothèques prêtes à l'emploi d'environnements extérieurs et intérieurs, il est possible d'en créer de nouveaux, voire d'importer des images panoramiques ou HDR hémisphériques ou sphériques.

Finalement, les automatismes sont des utiles pour des phases d'avant-projet ou de rendu élémentaire, mais ne remplace pas la connaissance de l'imagerie numérique et de la paramétrisation fine du logiciel employé.

 

« Travailler les images fixes de scénographie »

L'agence de scénographie Art Scenic travaille sur trois secteurs principaux, le design d'espace pour les stands et les expositions, l'habillage d'événements, et le design des dispositifs extérieurs. Si la fondatrice Clara Bessou est utilisatrice d'Artlantis depuis 2004, en 2010  l'agence s'est équipée d'Inventor pour la modélisation, en complément de SketchUP réservé aux esquisses. Lors d'un appel d'offre, par exemple pour un stand sur un salon professionnel, l'image réaliste leur permet de faire une réponse explicite, en complément des plans et des maquettes physiques. Les images sont finalisées avec Photoshop afin d'être fidèle à l'idée de leur conception, mais aussi à cause des limites d'Artlantis, par exemple pour positionner des panneaux d'expositions ou des logos sur les cloisons. « La modélisation doit être pensée dans Inventor, précise Clara Bessou, il ne faut pas faire un seul bloc pour toutes les cloisons. Les dissocier permet par exemple de mettre certaines cloisons en pierre apparente et de retravailler leur matière. » Avec Artlantis, le lieu est rapidement enrichi, en utilisant des bibliothèques de matières et d'objets (comptoirs, sièges, etc), et aussi en ajoutant des éclairages, de la végétalisation, des personnages. « Je vais choisir pour une cloison un aspect cuivre mais qui n'est pas du cuivre, ou de l'acier corten ou du stratifié, ou des dalles de revêtement de sols utilisées en cloisons, souligne Clara Bessou. L'image donne l'ambiance lumineuse, l'effet de texture, les réflexions voulues. Après c'est au prestataire de proposer une matière qui s'en approche. » 

 

Le ray-tracing, graal du photo-réalisme

L'algorithme de lancer de rayons (ray-tracing) donne aux objets de belles réflexions et des réfractions réalistes, mais s'avère vite gourmand en calculs. Parmi les moteurs réputés de rendu à base de ray-tracing, le leader Mental Ray est au coeur des solutions de visualisation de Virtual Studio+ de Solid Edge, de SolidWorks, de Revit et de l'extension Advanced Rendering de Creo Parametric. Il faut aussi citer V-Ray interfacé avec SketchUP et Autodesk Viz. Une nouveauté est venue de nVidia, qui a développé dans son langage de programmation Cuda une architecture ray-tracing OptiX. L'accélération matérielle des calculs apportée par cette approche est mise à profit dans LightWorks, V-Ray RT mais aussi dans Bunkspeed Shot Pro, interfacé avec SolidWorks.

Outre l'optimisation des calculs, l'autre enjeu pour les éditeurs est de proposer aux utilisateurs un paramétrage commun avec un résultat équivalent pour les deux modes de rendu, avec et sans ray-tracing. C'est le cas par exemple pour la nouvelle version 2011 (la 5.2) de Patchwork 3D de Lumiscaphe, un logiciel temps réel dédié au rendu réaliste dans l'industrie. « Nous avons du intégrer le ray-tracing dans PatchWork, du fait d'une demande forte des ingénieurs qui souhaitaient un résultat précis en optique », confirme Jean-Christophe Leducq, directeur général de Lumiscaphe. Dans la précédente version, le calcul ray-tracing était possible mais séparé du rendu temps réel sur OpenGL.

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